lundi 26 janvier 2009

El Alto, proche des cieux, loin du Paradis


N'en déplaise à la Génèse, la tour de Babel n'est pas en Mésopotamie, mais en Bolivie. On risque le blasphème avec ce type d'affirmation. Qu'importe, l'Inquisition a vécu. Et c'est une vérité criante.Personne sur Terre ne vit plus près du ciel que les habitants de l'Alto, bidonville aux dimensions dantesques perdu au milieu de l'Altiplano.

Situé à 10 kilomètres de La Paz (la capitale la plus haute du monde à 3600m d'altitude), el Alto est bien plus qu'une "banale" banlieue déshéritée. C'est une ville en elle-même. Un enchevêtrement improbable de bicoques insalubres à plus de 4100m au dessus de la mer. Près d'un million de Boliviens vivent ici, sur cette plaine balayée par les vents, au pied de la Cordillère. El Alto est même devenu progressivement la troisième zone de concentration urbaine en Bolivie, après La Paz et Santa Cruz.

Cette ville draine un flux quasi constant de Quechuas et d'Aymaras -les deux principaux peuples indiens de l'Altiplano- que la rigueur du climat pousse à l'exode. Tous espèrent trouver une forme de Salut aux abords de la capitale. Mais La Paz n'est pas la riche Santa Cruz de la Sierra, située à quelque 700 kilomètres à l'est. Les altiplano-migrants n'ont d'autres solutions que de s'entasser les uns sur les autres. Vivoter. Vivoter mais, si possible, en construisant sa maison derrière une autre, plus élevée, pour se couper du vent.

La langue espagnole n'est pas reine à l'Alto. Les indiens échangent principalement en aymara, parfois en quechua. Proche des cieux et polyglotte, ce capharnaüm respecte le mythe à la lettre.

Pourtant, dans cet amoncellement de rues inachevées et d'artères devenues impasses, une constante surnage, férocement accrochée à son privilège: l'expansion évangélique. Dans ce chaos à faire pâlir les géomètres, à intervalle très réguliers s'élèvent les blanches églises évangéliques. El Alto pour les missionnaires, c'est du pain béni. Les brebis égarées afflluent en quantité, quotidiennement.

Mais le spitrituel ne remplit définitivement pas les ventres. Une certaine structure politique et sociale essaie de voir le jour, en marge de la société "officielle", métisse, blanche et économiquement ultra-libérale. Mais la gangrène sociale et les rigueurs du climat poussent les populations à la révolte. El Alto est le théâtre de combats d'une violence rare entre l'armée et les habitants. La ville s'embrase, s'enfume, s'asphyxie. Puis se tait. Oubliée de tous, même des Dieux.

Bonjour!

La montagne c'est crampons, gore tex et télésièges. Mais pas seulement. Et heureusement. C'est une mine d'histoires méconnues, de récits de vies silencieuses, d'exploits oubliés.
La montagne tombe la chemise. D'ici, et surtout d'ailleurs, elle se raconte, sans en rajouter.