Puerto Natales, c'est l'extrême sud. C'est la dernière bourgade avant Punta Arenas, la ville la plus australe du continent américain. Puerto Natales, c'est du romantisme dans chaque syllabe, c'est un mythe en soi, sous le 50ème parallèle. On l'imagine port glacial, glacé, venté comme un bon Jack London. On le fantasme coupé du monde, jaloux de sa solitude. C'est en partie vrai. Et en grande partie faux. A quelques dizaines de kilomètres de la frontière Argentine-Chili, le paysage qui se dessine aux abords de Puerto Natales est moins inhospitalier que ce que l'on imagine. Le relief est assez doux, les immenses pairies bien vertes et les montagnes enneigées qui se découpent au loin ne semblent pas si inquiétantes, a priori. La région est belle, paisible (si l'on s'accomode du vent...). La petite ville de Puerto Natales est dans cet esprit. Les rues sont calmes sans être désertes et les gens sont accueillants. Les baleines viennent même croiser à quelques mètres du port, sans crainte. Puerto Natales vit d'un tourisme qui s'assume mais qui n'est pas frénétique. Depuis des dizaines d'années, ce petit port isolé reçoit touristes et trekkeurs émérites avec la même tranquillité. Mais cet équilibre vacille dangereusement et risque de s'effondrer.
Puerto Natales est aux portes de l'un des plus beaux parcs naturels du monde : el Parque Torres del Paine. Courtisé pour son fameux trek "W" de cinq jours (les plus valeureux s'essaient à la version huit jours, plus long et donc plus dur), le parc accueille des milliers de visteurs par an. Toute personne qui vient au Chili entend, a déjà entendu, ou entendra parler de ce parc. On le dit très beau, varié, extrême et repères d'occidentaux bien pourvus en mal de sensation. Sans verser dans le cliché, force est de reconnaître que c'est la vérité. Le prix d'entrée au parc est exorbitant. Les deux ou trois hôtels (de luxe mais grotesques) construits à l'entrée du parc affichent la couleur: 200 à 250€ la nuit. Les rares refuges à l'intérieur du parc facturent la pension complète aux alentours de 31000 pesos chilenos (à peu près 50€). Vision diabolique d'un tourisme friqué, bien pensant, mais complètement hors des réalités du pays où il s'ébat gaiement. Le salaire moyen d'un Chilien est estimé à 250€. Ce calcul très approximatif donne tout de même une idée plutôt correcte du niveau de vie des habitants du Chili (l'un des pays du monde où la richesse est la plus mal répartie). Certains touristes s'achètent une conscience en disant "c'est partout pareil, dans tous les pays du monde". Merci messieurs dames, vous faites avancer le débat.
Vision diabolique donc, mais à nuancer fortement. Le plus gros contingent de touristes est composé de randonneurs du type tente, bivouac et sac à dos. Ni pauvres, ni nécessairement riches, parfois même chiliens ou argentins, ces fous de randos jeunes et moins jeunes vident paquets de pâtes sur paquets de pâtes et se contentent de marcher sans en rajouter. Ils font vivre ce parc. Ils sont nécessaires à sa survie. Sans eux, Puerto Natales et son charme non superficiel fermeraient boutique. Or c'est ce qui se profile à l'horizon.
Rosa gère une hospedaje, genre de chambre chez l'habitant bon marché et souvent convivial. Les mains dans la marmite elle est ravie de raconter son travail quotidien au visiteur de passage. Mais très vite, au détour d'une phrase, ledit visiteur sent que Rosa est inquiète pour sa petite entreprise : "le gouvernement ne cesse d'augmenter le prix d'entrée du parc et les touristes tels que vous risquent de se faire rare". De fait, le projet est d'augmenter le prix d'entrée de 200 ou 300%. Or si le tarif continue de grimper, seuls les tours organisés hors de prix iront au parc, sans s'arrêter dans les hospedajes de Puerto Natales. Les habitants s'opposent fortement à cette politique. Mais Rosa est fataliste "Nos cris sont balayés par le vent de Patagonie ; ils n'arriveront jamais à Santiago".
lundi 9 février 2009
lundi 26 janvier 2009
El Alto, proche des cieux, loin du Paradis
N'en déplaise à la Génèse, la tour de Babel n'est pas en Mésopotamie, mais en Bolivie. On risque le blasphème avec ce type d'affirmation. Qu'importe, l'Inquisition a vécu. Et c'est une vérité criante.Personne sur Terre ne vit plus près du ciel que les habitants de l'Alto, bidonville aux dimensions dantesques perdu au milieu de l'Altiplano.
Situé à 10 kilomètres de La Paz (la capitale la plus haute du monde à 3600m d'altitude), el Alto est bien plus qu'une "banale" banlieue déshéritée. C'est une ville en elle-même. Un enchevêtrement improbable de bicoques insalubres à plus de 4100m au dessus de la mer. Près d'un million de Boliviens vivent ici, sur cette plaine balayée par les vents, au pied de la Cordillère. El Alto est même devenu progressivement la troisième zone de concentration urbaine en Bolivie, après La Paz et Santa Cruz.
Cette ville draine un flux quasi constant de Quechuas et d'Aymaras -les deux principaux peuples indiens de l'Altiplano- que la rigueur du climat pousse à l'exode. Tous espèrent trouver une forme de Salut aux abords de la capitale. Mais La Paz n'est pas la riche Santa Cruz de la Sierra, située à quelque 700 kilomètres à l'est. Les altiplano-migrants n'ont d'autres solutions que de s'entasser les uns sur les autres. Vivoter. Vivoter mais, si possible, en construisant sa maison derrière une autre, plus élevée, pour se couper du vent.
La langue espagnole n'est pas reine à l'Alto. Les indiens échangent principalement en aymara, parfois en quechua. Proche des cieux et polyglotte, ce capharnaüm respecte le mythe à la lettre.
Pourtant, dans cet amoncellement de rues inachevées et d'artères devenues impasses, une constante surnage, férocement accrochée à son privilège: l'expansion évangélique. Dans ce chaos à faire pâlir les géomètres, à intervalle très réguliers s'élèvent les blanches églises évangéliques. El Alto pour les missionnaires, c'est du pain béni. Les brebis égarées afflluent en quantité, quotidiennement.
Mais le spitrituel ne remplit définitivement pas les ventres. Une certaine structure politique et sociale essaie de voir le jour, en marge de la société "officielle", métisse, blanche et économiquement ultra-libérale. Mais la gangrène sociale et les rigueurs du climat poussent les populations à la révolte. El Alto est le théâtre de combats d'une violence rare entre l'armée et les habitants. La ville s'embrase, s'enfume, s'asphyxie. Puis se tait. Oubliée de tous, même des Dieux.
Bonjour!
La montagne c'est crampons, gore tex et télésièges. Mais pas seulement. Et heureusement. C'est une mine d'histoires méconnues, de récits de vies silencieuses, d'exploits oubliés.
La montagne tombe la chemise. D'ici, et surtout d'ailleurs, elle se raconte, sans en rajouter.
La montagne tombe la chemise. D'ici, et surtout d'ailleurs, elle se raconte, sans en rajouter.
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